La responsabilité du dirigeant en cas d’abus de biens sociaux

L’abus de biens sociaux est défini aux articles L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce comme « le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement« .

Qu’en est-il de l’abus de biens sociaux Code pénal ? L’abus de biens sociaux n’est pas défini par le Code pénal, vous n’y trouverez aucune définition, il faudra se reporter au Code de commerce. Cependant, l’abus de biens sociaux fait bien l’objet de sanctions pénales, même si elles sont inscrites dans le Code de commerce.

Les sociétés concernées par l’abus de biens sociaux sont les SARL, les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) et la société civile de placement immobilier (SCPI). Ainsi, les sociétés civiles ou les simples sociétés civiles immobilières (SCI) ne sont pas concernées par cette incrimination pénale.

L’abus de biens sociaux, pour être constitué, doit revêtir certaines conditions biens précises. Une fois les conditions remplies, vous pourrez exercer une action en justice contre l’auteur de l’abus de biens sociaux. C’est ce que nous allons voir.

Sommaire :

 Abus de biens sociaux définition : les conditions de l’abus de biens sociaux
L’action en justice pour condamner l’auteur de l’abus de biens sociaux

Abus de biens sociaux définition : les conditions de l’abus de biens sociaux

L’abus de bien sociaux consiste dans le fait, pour certains dirigeants de sociétés commerciales, de servir des biens appartenant à la société et de mauvaise foi, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Il faut réunir les 5 conditions suivantes pour commettre un délit d’abus de biens sociaux :

  • Un dirigeant ;
  • Un usage de mauvaise foi (c’est à dire que le dirigeant avait conscience que cet usage est contraire à l’intérêt de la société) ;
  • Utilise les biens ou le crédit de la société ;
  • Dans un sens contraire à l’intérêt de la société (son intérêt social),
  • Dans un sens favorisant ses intérêts personnels.; 

Les dirigeants concernés

Les dirigeants pouvant faire l’objet d’une sanction pour abus de bien social sont :

  • Les gérants de SARL ;
  • Le président, les administrateurs, le directeur général et les directeurs ;
  • généraux délégués des SA à conseil d’administration, ainsi que les représentants permanents des personnes morales administrateurs ;
  • Les membres du directoire des SA à directoire
  • Les gérants de sociétés en commandite par actions et, lorsqu’une personne morale est nommée gérant, les dirigeants de ladite personne morale ;
  • Le président et, lorsque les statuts ont prévu leur désignation, les autres dirigeants des sociétés par actions simplifiées ; 
  • Lorsqu’une personne morale est nommée président ou dirigeant de la SAS, les dirigeants de ladite personne morale
  • Les dirigeants des sociétés européennes
  • Les dirigeants de fait de ces sociétés
  • Les représentants des personnes morales

A noter que les complices qui ne pouvaient pas être condamnés en tant qu’auteur principal de l’infraction peuvent être également condamnés. C’est notamment le cas d’un commissaire aux comptes, d’un liquidateur amiable de la société, l’expert-comptable ou encore le banquier de la société ou encore d’un receleur. 

Certains dirigeant sont exclus et ne peuvent pas être inquiétés, à savoir : 

  • Des dirigeants de sociétés en nom collectif (SNC) ;
  • Des dirigeants de sociétés en commandite simple (SCS) ;
  • des dirigeants de sociétés civiles ;
  • des dirigeants de autres que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ; 
  • des dirigeants de groupements agricoles ;
  • des dirigeants de groupement d’intérêt économique (GIE) ;
  • des dirigeants de société de droit étranger ayant son siège social à l’étranger. 

Néanmoins, ces dirigeants peuvent être condamnés sur un autre fondement, à savoir l’abus de confiance. L’abus de confiance est le fait pour une personne, à qui a été remis de l’argent ou un bien, de détourner l’usage de ce bien à son profit ou pour un usage frauduleux. La victime peut porter plainte et demander réparation de son préjudice. L’importance de la sanction va dépendre de la vulnérabilité de la victime et du statut de l’auteur des faits.

La mauvaise foi du dirigeant

Il faudra établir que le dirigeant est de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il a tenté de cacher l’infraction. Il faudra donc que le dirigeant ait eu conscience de deux choses :

  • Qu’il ait voulu la cause de l’infraction,
  • Qu’il ait voulu le résultat de l’infraction.

En d’autres termes, le dirigeant devra avoir voulu commettre une faute intentionnelle.

Exemple : un prévenu, auquel il est reproché d’avoir détourné une commission sur prêt bancaire au profit d’une société tierce, doit être relaxé du chef d‘abus de biens sociaux dès lors que les faits ont été commis sans dissimulation et en application de différentes conventions prévoyant un intéressement personnel du prévenu. En effet, ici les conditions de l’abus de biens sociaux sont réunies car la société ne gagne rien à l’opération, l’action est réalisée par un dirigeant et dans son intérêt personnel. En revanche, l’opération était prévue par des contrats. Il était prévu que le dirigeant allait être rémunéré. Par conséquent il n’y avait pas de dissimulation, pas de mauvaise foi du dirigeant. Donc il ne peut y avoir abus de biens sociaux. 

L’utilisation des biens ou du crédit de la société

Les biens sociaux englobent tous les éléments mobiliers ou immobiliers du patrimoine social. Le plus souvent, ce sont les fonds sociaux.

Les biens mobiliers et immobiliers sont en général :

  • L’argent de la société,
  • Les immeubles détenus par la société,
  • Les moyens de production de la société,
  • Et les stocks, marchandises de la société.

Exemples d’abus biens sociaux : si votre société produit du champagne et que le dirigeant s’attribue régulièrement des caisses de champagne de la société gratuitement, alors il y aura abus de bien social. De même, un dirigeant piochant dans les caisses de la société commet un abus de biens sociaux. Ou encore, l’abus des biens sociaux pourra être caractérisé si un dirigeant se fait consentir par la société un découvert en compte courant, ou enfin en cas de confusion systématique entre les fonds sociaux et les fonds propres du dirigeant. 

Dans un sens contraire à l’intérêt social et favorable à son propre intérêt

Toutes les utilisations des biens de la sociétés par le dirigeant ne sont pas forcément contraires à l’intérêt social, car quelquefois cette utilisation des biens sociaux est réalisée dans le cadre de l’intérêt social.

Par exemple : le règlement d’honoraires à un cabinet d’avocats, mêmes élevés, du moment que ce cabinet a participé activement à la vie juridique du groupe, qu’il a fourni de nombreuses prestations qui ont aidé à la décision dans différents domaines et qu’il n’est pas démontré que ces honoraires auraient fait courir un risque anormal au patrimoine de la société, ne sont pas constitutifs d’un abus de biens sociaux. 

En revanche toutes les fois où l’utilisation des biens est contraire à l’intérêt social alors il y aura abus de biens sociaux. Ainsi, si le dirigeant utilise les fonds de la société pour un intérêt personnel, la société n’en retire aucun avantage. Concernant la rémunération du dirigeant, la question est complexe, car il s’agit d’une perte pour la société, mais elle est la contrepartie du travail fourni par le dirigeant. Si la rémunération est excessive, alors il y aura abus de biens sociaux. Si la rémunération est très élevée mais qu’elle est méritée alors il n’y aura pas d’abus de biens sociaux.

Il faudra aussi que l’utilisation des biens soit faite dans l’intérêt personnel du dirigeant.

Par exemple : un dirigeant faisant perdre de l’argent à sa société en concluant des contrats ruineux ne sera pas coupable d’abus de biens sociaux si ces contrats ont été conclus car ce dirigeant gère très mal sa société. En effet, ici il n’y a aucune intérêt personnel du dirigeant à réaliser cette opération. 

L’action en justice pour condamner l’auteur de l’abus de biens sociaux

Nous allons voir comment la société peut obtenir réparation en cas d’abus de bien social. L’abus de bien social justifie également la révocation du dirigeant par les associés.

Qui peut demander la condamnation du dirigeant ?

Qui peut dénoncer un abus de bien social ? Ce sont toutes les personnes pouvant se prévaloir d’un intérêt légitime. Concrètement, ce seront :

  • Le ministère public,
  • Les dirigeants de la société,
  • Les associés de la société.

Ensuite, comment dénoncer un abus de biens sociaux ? Pour dénoncer un abus de biens sociaux, il faudra exercer une action en justice. Les dirigeants et les associés exerceront ce qu’on appelle l’action sociale. L’action sociale est composé de deux actions :

  • Action ut universi,
  • Action ut singuli.

L’action ut universi est l’action en justice que la société va exercer. Le problème étant que la société est représentée par ses dirigeants. Or, si le dirigeant est à l’origine de l’abus de biens sociaux, il ne voudra certainement pas exercer une action contre lui même. Cette action sera néanmoins utile s’il y a plusieurs dirigeants de société. Ainsi, un administrateur pourra par exemple exercer l’action contre le directeur général. Elle sera utile également si vous exercez l’action contre un ancien dirigeant de la société.

L’action ut singuli est exercée par les associés de la société. Elle est subsidiaire, c’est-à-dire que les associés ne peuvent l’exercer qu’en cas de défaillance des dirigeants. Les associés pourront ainsi saisir le juge et demander la condamnation du dirigeant pour abus de biens sociaux.

L’action personnelle de l’associé est-elle possible ? L’action personnelle se distingue de l’action sociale dans la mesure où le montant de la condamnation du dirigeant ne sera pas versé à la société mais aux associés ! Par conséquent, il faudra établir que l’associé a subi un préjudicie personnel distinct du préjudice subi par la société. La jurisprudence a considéré que l’action personnelle des associés n’est pas possible pour l’abus de bien social. Ainsi, les associés seront obligés de passer par l’action ut singuli.

Comment dénoncer un abus de biens sociaux : le délai de prescription

Le délai de prescription est de 6 ans. En revanche il est possible d’effectuer un report du point de départ du délai de prescription à la date de découverte de l’infraction si l’infraction a été dissimulée.

Exemple 1 : Le dirigeant de société détourne des fonds de la société pour un intérêt personnel en 2007. En 2019, le délai de prescription est passé, vous ne pouvez plus agir en justice et demander la condamnation du dirigeant.

Exemple 2 : Le dirigeant de société détourne des fonds de la société pour un intérêt personnel en 2007. Cependant, le dirigeant n’a jamais présenté les comptes de la société à l’assemblée générale, les associés n’ont donc jamais pu voir les comptes et n’ont pas pu savoir qu’il y avait des problèmes quant aux comptes. Les comptes sont enfin présenté en 2015. Par conséquent, le délai de prescription court toujours en 2019, il reste donc 2 ans aux associés pour agir en justice et demander la condamnation du dirigeant.

Qui perçoit l’indemnisation et quel est le montant de l’indemnisation ?

Ce sera la société qui percevra le montant de l’indemnisation et non les associés. En effet, c’est la société qui a subi le préjudice.

Les dirigeants ayant commis un abus de biens sociaux encourent :

  • Une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000€ d’amende pour tous les dirigeants de fait et de droit.
  • De 5 ans d’emprisonnement et de 9 000€ d’amende pour le liquidateur de société.

Pour les personnes morales, la peine d’amende est quintuplée par rapport à celle prévue pour les personnes physiques, soit, dans la plupart des hypothèses, 1 875 000 €.

De plus, vous pourrez avoir une peine complémentaire consistant en l’interdiction :

  • Soit d’exercer une fonction publique,
  • Soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle,
  • Ou de diriger, d’administrer ou de contrôler une entreprise ou une société commerciale.

A la suite de la condamnation à une interdiction de gérer, vous devrez effectuer un changement de dirigeant de société. LegalVision pourra aussi vous accompagner pour toutes les modifications statutaires suivant ce changement de dirigeant.

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